Les raisons du reconfinement
Après la première vague, la probabilité d’une reprise de l’épidémie était très forte, la seule incertitude étant celle de sa date. Alors que certains craignaient qu’elle ait lieu au mois de juillet, la reprise s’est faite en septembre avec une accélération en octobre. Les causes sont multifactorielles et il est clair que la vague de froid a joué un rôle majeur avec des activités se concentrant en intérieur et une diminution de la ventilation des locaux. Ce n’est pas uniquement le relâchement des gestes barrières qui est en cause, ce d’autant que, n’en déplaise à certains, la population française a été l’une des plus disciplinée pour suivre les consignes de son gouvernement.
Le deuxième élément à prendre en compte est la réalité de la situation. Certes l’épidémie reprend avec un nombre de malades conséquent, mais l’ampleur de l’épidémie n’a rien à voir pour l’instant avec ce que nous aurions pu craindre quand nous ne connaissions pas le virus. Le nombre de morts en France est actuellement de 35 000 avec une concentration des cas à près de 90 % chez les plus de 65 ans et dans le même temps, la mortalité chez les moins de 25 ans a diminué depuis le début de l’année. Au niveau mondial, nous allons atteindre 1,2 millions de morts sur presque une année, mais il faut savoir qu’une autre maladie infectieuse bien connue, la tuberculose, est responsable chaque année de près de 1,5 millions de morts. De fait, la crise actuelle est essentiellement due à l’incapacité de notre système de santé à gérer à la fois les malades habituels et une augmentation d’activité liée à l’épidémie. Augmentation d’activité actuellement qui est continue mais qui est beaucoup moins brutale qu’au printemps. Nous allons approcher le chiffre de 3 500 malades en réanimation alors qu’au printemps, le pic a atteint très rapidement plus de 7 000 malades. La question de nos capacités de lits en réanimation est essentielle pour gérer la crise. Si nous avions armé les 12 000 lits demandés, l’hôpital serait moins sous tension. Il faut rappeler que même avec ce potentiel, la France resterait encore derrière l’Allemagne qui dispose en période normale de plus de 15 000 lits.
Enfin, la cause essentielle de la reprise de l’épidémie est la gestion catastrophique de la politique de tests, de traçage et d’isolement depuis le mois de mai. En effet, la politique de massification des tests avec un président qui hier soir encore se félicitait du fait que la France était « un des pays qui testait le plus », est une catastrophe. Les délais pour réaliser les tests et rendre les résultats rend le traçage. totalement inopérant. Traçage assuré par voie téléphonique par des personnels des ARS et de l’Assurance maladie inadapté, car ne prenant pas en compte la réalité de vie des personnes contaminées pour une bonne organisation de leur isolement quand celui-ci est encore utile. Il faut souligner le fait qu’alors que les tests antigéniques permettant d’obtenir un résultat en 15 minutes commencent seulement à être déployés, seules 5 millions d’unités ont été commandées et ne sont pas encore totalement disponibles.
L’autre élément soulignant le manque d’anticipation du gouvernement est la pénurie de doses de vaccin antigrippal. Aujourd’hui, seules 13 millions de doses sont disponibles pour la France, ce qui va être notoirement insuffisant alors que les préconisations insistent sur l’importance de cette vaccination pour toutes les personnes à risque et les personnels de santé. Pourquoi le volume des commandes passées au printemps n’a-t-il pas été augmenté ?
Face à cette incurie dans la gestion de la crise depuis plusieurs mois, le gouvernement nous explique que la seule solution est un nouveau confinement. Même s’il est moins brutal qu’au printemps, il est clair qu’au-delà des répercussions économiques, les conséquences sur l’état de santé de la population vont être majeures. Il ne faut pas oublier que la santé comporte trois composantes : le physique, le psychologique et le social. Sur ces deux derniers éléments, nous avons déjà constaté des effets très négatifs à la suite du confinement du printemps, avec notamment une explosion des pathologies psychiatriques. A cela s’ajoutent les effets de la nouvelle déprogrammation des patients dans les hôpitaux pour libérer des lits pour les patients COVID. La responsabilité de ce déficit en lits incombe très largement à différents membres du gouvernement en place : Roselyne Bachelot a supprimé près de 40 000 lits et 8 500 lits ont disparu depuis l’arrivée au pouvoir d’E. Macron.
Quelles sont les alternatives pour la CGT ?
Pour reprendre la phraséologie guerrière du président de la République, il est possible de comparer le confinement à « l’arme atomique », ayant certes une efficacité, mais avec des effets collatéraux immédiats et à terme catastrophiques. Pour gagner une guerre, il est préférable d’utiliser, au bon moment et avec la bonne quantité, les différentes armes à disposition. En attendant le vaccin, nous disposons aujourd’hui de trois outils : les mesures barrières, les tests et notre système de santé. En ce qui concerne les mesures barrières, connaissant maintenant l’épidémiologie de cette épidémie, la priorité est de protéger les personnes à risque, plus particulièrement les plus de 65 ans. La question n’est pas de les mettre sous cloche, mais de sécuriser leurs contacts avec les personnes contagieuses, dont plus de la moitié sont asymptomatiques. Par ailleurs, nous constatons qu’un bonne partie des foyers épidémiques sont en entreprise. Pourquoi les mesures de protection n’ont-elles pas été plus restrictives depuis le mois de mai ?
Les tests. Il faut aujourd’hui reconnaître que les pays qui ont de bien meilleurs résultats que la France dans la maîtrise de l’épidémie sont ceux qui ont mis en œuvre dès le début une politique de tests massifs et d’isolement strict. Il s’agit notamment de la Corée du Sud, du Japon, de la Chine ou encore de l’Allemagne. Les spécialistes de la lutte contre les épidémies sont unanimes : pour vaincre un agent contagieux, il faut dépister rapidement et massivement pour isoler les personnes contagieuses. Il est donc urgent pour éviter un confinement prolongé et le risque d’un nouveau confinement dans quelques mois de mettre en œuvre cette stratégie en disposant de dizaines de millions de tests rapides. L’intérêt de ces tests est qu’ils peuvent être réalisés par l’ensemble des professionnel.le.s de santé, auxquels s’ajoutent les secouristes, voire même comme cela est permis dans certains pays, par les personnes elles-mêmes en autotests. Si cette stratégie avait été mise en œuvre précocement, il aurait été possible de tester les personnels des EHPAD et de l’aide à domicile, les passagers arrivant dans les aéroports ou encore les personnes qui sont parties en vacances à la Toussaint, et éviter ainsi des dizaines de milliers de contaminations ces dernières semaines. Il est donc urgent de changer complètement de pratique et de mettre cet outil à disposition sur le terrain, y compris dans les entreprises avec l’aide des services de santé au travail, dans les écoles avec la santé scolaire et surtout en ville avec les médecins, pharmaciens, infirmières et tous les auxiliaires de santé disponibles. Il s’agit de la seule méthode permettant un isolement immédiat et adapté des personnes contagieuses. En effet, la proximité et le contact direct au moment de la réalisation du test permet d’adapter les conseils de manière individuelle pour la réalisation d’un confinement efficace.
Troisième mesure : donner rapidement les moyens humains aux hôpitaux, aux EHPAD et aux établissements médico-sociaux afin qu’ils puissent répondre aux besoins actuels et futurs de la population. La CGT impulse fortement sa campagne « Formez-Embauchez-Nous sommes épuisé.e.s » avec l’enquête sur le recensement des besoins service par service et établissement par établissement. La première urgence est le recrutement de personnels. La CGT réclame un plan d’embauche massif d’au moins 400 000 personnes : 100 000 à l’hôpital, 200 000 en EHPAD, 100 000 pour l’aide à domicile. Et encore , ce chiffrage n’intègre pas les besoins croissants du secteur du handicap et de l’action sociale. Là encore, le gouvernement s’appuie sur le manque de professionnel.le.s diplômé.e.s disponibles pour n’avancer comme seule solution que les heures supplémentaires, la suppression des congés et la suspension des enseignements pour envoyer les étudiants suppléer au personnel manquant. Il est donc proposé dans un premier temps de recruter en urgence des agents de service hospitaliers et des agents administratifs ou l’équivalent dans les EHPAD et les structures médico-sociales pour soulager le travail des personnels soignants. En effet, il s’agit de personnels qui peuvent être affectés dans les services pour aider sur des tâches logistiques, administratives, mais aussi auprès des patients, pour la réfection des lits, l’aide au repas, au déplacement, etc. Toutes ces tâches chronophages sont trop souvent effectuées par les soignant.e.s.
Cependant ces mesures ne sont qu’un pis-aller en situation de crise. Il est indispensable de mettre en place un plan de formation de personnels qualifiés. Au delà du problème de la faiblesse des rémunérations, il est possible de rendre ces formations plus attractives en proposant des contrats d’études qui consistent à rémunérer les étudiants pendant leur formation contre un engagement à servir pendant 3 ou 5 ans en fonction de la durée des études. Ce système n’a rien de nouveau et a été utilisé jusqu’au début des années 1980 pour recruter dans les hôpitaux. Pour le financement, il est possible aujourd’hui de mobiliser par ailleurs des crédits des Conseils régionaux qui assurent maintenant la tutelle des écoles professionnelles.
L’appel à l’unité nationale est un leurre et ne doit pas éteindre notre activité revendicative sur le terrain auprès des salarié.e.s, mais aussi de la population et des élu.e.s, en apportant notre analyse et nos propositions.
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